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Propositions des Candidats à l’Élection Présidentielle 2022 en matière de Retraite

2 Avr 2022 | Also Décrypte

Alors que le 10 avril, date du premier tour, approche, nous avons décidé de nous pencher sur les propositions en matière de retraites des 12 candidats à la magistrature suprême. Sujet essentiel s’il en est, le ou la futur(e) président(e) sera en effet très vite confronté(e) à l’état (très préoccupant) des comptes de résultats des principaux régimes. Il s’agira alors de dérouler les mesures de son programme (ou pas ?), dans un double objectif : équilibrer les régimes, en essayant de ne pas se renier !

 

Âge Légal de Départ à la Retraite :

Les candidats forment trois groupes distincts sur le sujet de l’âge légal de départ à la retraite dans le secteur privé : ceux souhaitant l’abaisser (à 60 ans), les candidats ne voulant pas le modifier, et ceux qui souhaiteraient le reporter (à 64 ou 65 ans). Pour rappel, cet âge est aujourd’hui fixé à 62 ans (voir référence 1) : il n’est donc pas possible de demander sa retraite avant d’atteindre cet âge, sauf pour les cas particuliers des salariés disposant d’une « carrière longue », des travailleurs souffrant de handicap et ceux intervenant sur des métiers pénibles reconnus.

* Proposition retrouvée dans la référence 2.
** Absence de proposition dans le programme.

Autrefois mesure « repoussoir intégral », on note désormais le relatif consensus autour de l’âge de départ à la retraite, voire une volonté d’intégrer un nouvel effort significatif (notamment pour le Président-Candidat, Emmanuel Macron).

Montant minimal de la pension retraite (quel que soit le nombre de trimestres validé)

Certains candidats se sont prononcés sur le montant de l’« allocation de solidarité aux personnes âgées » (ASPA), anciennement appelé « minimum vieillesse ». Cette allocation correspond à la pension minimale à laquelle tous les retraités (quelle que soit la durée d’assurance vieillesse validée) peuvent prétendre. Aujourd’hui, l’ASPA s’élève à 916,78€ par mois, pour une personne seule (voir référence 3). Les conditions de versement dépendent de l’âge (il est nécessaire d’avoir 65 ans, mais il existe des exceptions), des ressources (les revenus du couple doivent être inférieurs à 1 423,31€ par mois) et de résidence (il faut résider en France). A noter que cette allocation présente un inconvénient non négligeable : les sommes versées au titre de l’ASPA sont récupérées par la caisse de retraite (en respectant une certaine limite annuelle) au décès de l’allocataire, sur sa succession (si l’actif net successoral est supérieur à 39 000€ depuis le 02/03/2017, cf. référence 4). D’après la référence 5, cette allocation (ou bien son ancêtre appelée l’ASV pour « allocation supplémentaire du minimum vieillesse ») a été perçue par plus de 600 000 retraités en 2019.

* Absence de proposition dans le programme.
** Seuil de pauvreté 2019, d’après la référence 6.
*** Proposition retrouvée dans la référence 7.

Sans surprise, les candidats les plus au bord de l’échiquier politique se prononcent pour une augmentation parfois très significative de ce minimum vieillesse, hormis ceux qui n’en parlent pas dans leur programme, reconnaissables avec des montants marqués d’une * dans le graphique ci-dessus.

Montant minimal de la pension (pour les carrières complètes ou les retraites à taux plein)

Plusieurs candidats souhaitent augmenter la pension des carrières complètes (c’est-à-dire après validation du nombre de trimestres requis), ou à taux plein (c’est-à-dire des carrières complètes et des personnes ayant pris leur retraite après leurs 67 ans) :

  • Anne Hidalgo souhaite augmenter le « minimum contributif » à 1 200€ par mois. Ce minimum permet, sous certaines conditions, de majorer la retraite de base pour les assurés ayant acquis une retraite à taux plein inférieure à 1 240,88€ tous régimes obligatoires confondus (cf. référence 8 pour connaître les détails de calcul de ce montant). Aujourd’hui, il s’élève à 652,60€ par mois (sans pouvoir porter la pension au-delà de 1 240,88€).
  • Emmanuel Macron propose de fixer un montant de pension minimale à taux plein à 1 100€ par mois. Aujourd’hui, il n’existe pas de dispositif assurant que toutes les pensions à taux plein soient supérieures à un certain montant (sauf l’ASPA, qui concerne toutes les pensions). Ce montant minimum de pension irait donc un peu plus loin que le minimum contributif (transformation d’un droit additionnel en un droit différentiel avec un total garanti).
  • De même, Jean-Luc Mélenchon et Valérie Pécresse voudraient qu’aucune pension ne soit inférieure au SMIC net pour une carrière complète (soit à 1 269,02€ en mars 2022, d’après la référence 9).

Retraite anticipée

Comme évoqué ci-avant, il existe des exceptions à l’âge minimum de départ à la retraite : en cas de carrière longue, de situation de handicap ou de pénibilité du travail (intégrant le cas d’incapacité permanente). Certains candidats se sont prononcés sur ces exceptions :

Sur les métiers dits « pénibles » (évalués par 6 facteurs de risque, selon la référence 10) :
  • Anne Hidalgo voudrait rétablir les 4 facteurs supprimés depuis le 01/10/2017 : manutention de charges lourdes, les positions pénibles qui forcent les articulations (au moins 900 heures par an), les vibrations mécaniques et l’exposition aux agents chimiques (d’après la référence 11).
  • Yannick Jadot évoque (succinctement) le compte professionnel de prévention (C2P), permettant de majorer la durée d’assurance vieillesse grâce à l’obtention de points acquis en validant les facteurs de risque. Il propose en effet de le faciliter et de le rétablir (veut-il alors rétablir les 4 facteurs supprimés, évoqués ci-dessus ?).
  • Philippe Poutou souhaite, quant à lui, donner la possibilité de partir à la retraite à 55 ans pour les travaux pénibles, alors qu’il n’est aujourd’hui pas possible de partir avant 60 ans pour ce type de métier (cf. référence 12).
Sur les carrières longues (avoir commencé à travailler avant ses 20 ans) donnant droit au départ à la retraite à partir de 60 ans :
  • Marine Le Pen souhaite diminuer la durée d’assurance vieillesse requise à 40 ans, alors que ce critère varie aujourd’hui entre 42 ans et 43 ans (durée exprimée en trimestres cotisés), selon l’année de naissance. A noter qu’il existe aujourd’hui une condition supplémentaire pour être concerné, consistant à devoir valider un nombre minimal de trimestres avant 20 ans : 5 pour les personnes nées avant octobre, sinon 4 trimestres (d’après la référence 13).
Sur les exceptions, de manière générale :
  • Emmanuel Macron évoque rapidement ces exceptions en indiquant qu’il proposera dès l’été 2022 « la juste prise en compte des cas d’incapacité, des carrières longues ou pénibles ».
  • Éric Zemmour et Fabien Roussel promettent de ne pas modifier l’application de ces exceptions.

Pouvoir d’achat des retraités

Nous retrouvons d’autres propositions liées à la retraite dans les programmes des candidats, ayant pour objectif d’augmenter le pouvoir d’achat des retraités.

  • Concernant la revalorisation des retraites de base, celle-ci est fréquemment évoquée dans les programmes des candidats. Selon le code de la sécurité sociale, elle doit être effectuée en fonction de l’inflation (plus précisément, en fonction de l’évolution de l’indice des prix à la consommation, hors tabac, publiée par l’INSEE), d’après la référence 14. Alors que Nathalie Arthaud, Nicolas Dupont-Aignan, Jean Lassalle et Marine Le Pen confirment cette revalorisation dans leur programme, Jean-Luc Mélenchon propose une indexation sur les salaires. Mauvaise idée ? Il n’est en effet pas impossible que l’inflation reste sensiblement supérieure aux augmentations salariales, au moins temporairement dans les mois à venir, comme c’est le cas actuellement…
  • Valérie Pécresse souhaite élargir la complémentaire santé solidaire, qui permet aujourd’hui de réduire voire supprimer les dépenses de santé (médicaments, prothèses dentaires, lunettes, etc.) aux personnes affiliées à la sécurité sociale dont les ressources sont inférieures à 12 205€ par an pour un foyer composé d’une seule personne (cf. référence 15).
  • Éric Zemmour propose d’exonérer totalement les retraites inférieures à 1 300€ par mois de CSG et CRDS, qui varient aujourd’hui entre 4,3% et 8,8% (en fonction du quotient familial et le revenu fiscal de référence), selon la référence 16.
  • Fabien Roussel voudrait que les pensions représentent 75% du revenu net d’activité (dans le secteur public et privé). Aujourd’hui, les taux de remplacement nets varient entre 50% (voire moins) et 74% (cf. page 39 de la référence 17). Il souhaite d’ailleurs modifier le salaire de référence pris en compte dans le calcul de la retraite. Plus précisément, pour le secteur privé, il propose que le salaire de référence corresponde à la moyenne des salaires des 10 meilleures années (non plus, des 25 meilleures années). Pour le secteur public, il propose de choisir le salaire le plus favorable entre celui calculé aujourd’hui (se basant sur les salaires des 6 derniers mois de traitement indiciaire) et le salaire moyen (primes incluses) des 10 meilleures années.
Le cumul emploi-retraite est un sujet évoqué par trois candidats :
  • Emmanuel Macron reste « elliptique » en disant vouloir le rendre plus simple et avantageux,
  • Valérie Pécresse voudrait lever les limites existantes (par exemple, pour obtenir un cumul emploi-retraite total, il faut avoir liquidé toutes ses retraites et remplir les conditions ouvrant droit à une pension de retraite de base à taux plein, selon la référence 18),
  • Enfin Éric Zemmour souhaite supprimer les cotisations retraite sur le revenu d’activité (lorsque la durée d’assurance vieillesse correspond à la durée requise au taux plein).
La pension de réversion a été évoquée par plusieurs candidats :
  • Marine Le Pen, Fabien Roussel (selon la référence 6) et Éric Zemmour souhaitent rétablir la demi-part fiscale des veufs et veuves (supprimée définitivement depuis 2014, selon la référence 19), ce qui permettrait de réduire les impôts sur le revenu des personnes veuves.
  • Valérie Pécresse, Fabien Roussel et Éric Zemmour proposent d’augmenter le taux de réversion des retraites de base du privé de 54% (cf. référence 20) à 75%. Toutefois, Valérie Pécresse ajoute une condition (de taille !) à cette augmentation : la personne veuve ne doit pas avoir acquis de droits personnels à pension.

Vous l’aurez compris à la lecture de cet article, la retraite est un sujet d’importance qui déchaine les passions, et nos candidats l’ont bien compris. Certaines mesures (farfelues ?) proposées sont évidemment irréalistes (ou populistes ?), mais bon nombre d’entre-elles pourraient impacter durablement nos rapports à ces régimes de retraite, véritable exception culturelle française. Et pour finir cet article en beauté, quelques statistiques :

LE SAVIEZ-VOUS ?

  • 81% des Français sont inquiets de manquer d’argent à la retraite (cf. page 37 de la référence 21).
  • Seulement 14% d’entre-deux font encore confiance aux régimes publics Français (cf. page 35 de la même référence) ? CQFD.

REMARQUE : sans indication contraire, les propositions des candidats sont tirées de leur programme, qu’il est possible de retrouver sur leur site officiel.

[1] Article du service public « À partir de quel âge peut-on partir en retraite dans le secteur privé ? », disponible sur https://www.service-public.fr/particuliers/vosdroits/F14043 (consulté le 29/03/2022).

[2] Article du quotidien Sud Ouest « Présidentielle. Retraites : 55, 60, 62, 65 ans… Que proposent les candidats ? », disponible sur https://www.sudouest.fr/elections/presidentielle/presidentielle-retraites-55-60-62-65-ans-que-proposent-les-candidats-9599209.php (consulté le 29/03/2022).

[3] Article du service public « Allocation de solidarité aux personnes âgées (Aspa) », disponible sur https://www.service-public.fr/particuliers/vosdroits/F16871 (consulté le 29/03/2022).

[4] Données de Législation CNAV « Montant de la succession permettant la récupération de l’allocation solidarité aux personnes âgées », disponible sur https://www.legislation.cnav.fr/Pages/bareme.aspx?Nom=aspa_montant_succession_permettant_recuperation_bar  (consulté le 31/03/2022).

[5] Données de DREES « Nombre de bénéficiaires de l’ASV ou de l’ASPA », disponibles sur https://data.drees.solidarites-sante.gouv.fr/explore/dataset/mv-effectifs/table/?refine.regime=Ensemble&refine.annee=2019

[6] Données de l’INSEE « Seuils de pauvreté mensuels – Données annuelles de 1975 à 2019 », disponibles sur https://www.insee.fr/fr/statistiques/2499760 (consulté le 29/03/2022).

[7] Article du site de Fabien Roussel « Pour une France du travail et de la bonne paye », disponible sur https://www.fabienroussel2022.fr/pour_une_france_du_travail_et_de_la_bonne_paye (consulté le 29/03/2022).

[8] Article du service public « Retraite dans le privé : pension de retraite minimum », disponible sur https://www.service-public.fr/particuliers/vosdroits/F15522 (consulté le 29/03/2022).

[9] Données de l’INSEE « Montant mensuel net du smic pour 35 heures de travail par semaine (151,67 heures par mois) – Après déduction de la CSG et CRDS », disponibles sur https://www.insee.fr/fr/statistiques/serie/000879878 (consulté le 29/03/2022).

[10] « Compte professionnel de prévention (C2P) », disponible sur https://www.service-public.fr/particuliers/vosdroits/F15504 (consulté le 29/03/2022).

[11] Article de La retraite en clair « Les avantages retraite du compte professionnel de prévention : comment ça fonctionne ? », disponible sur https://www.la-retraite-en-clair.fr/parcours-professionnel-regimes-retraite/penibilite-retraite/avantages-retraite-compte-professionnel-prevention-ca-fonctionne (consulté le 29/03/2022).

[12] Article du service public « Retraite anticipée du salarié pour pénibilité du travail », disponible sur https://www.service-public.fr/particuliers/vosdroits/F14101 (consulté le 29/03/2022).

[13] Article du service public « Retraite anticipée pour carrière longue du salarié », disponible sur https://www.service-public.fr/particuliers/vosdroits/F13845 (consulté le 29/03/2022).

[14] Article de legifrance « Code de la sécurité sociale – Article L161-25 », disponible sur https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000031781092/ (consulté le 29/03/2022).

[15] Article de AMELI « Qui peut bénéficier de la Complémentaire santé solidaire et comment ? », disponible sur https://www.ameli.fr/assure/droits-demarches/difficultes-acces-droits-soins/complementaire-sante/complementaire-sante-solidaire-qui-peut-en-beneficier-et-comment#text_90553 (consulté le 29/03/2022).

[16] Article du service public « Retraites : quel sera votre taux de CSG en 2022 ? », disponible sur https://www.service-public.fr/particuliers/actualites/A15517 (consulté le 29/03/2022).

[17] Rapport annuel du COR (Conseil d’Orientation des Retraites) de Juin 2021 « Evolutions et perspectives des retraites en France », disponible sur https://www.cor-retraites.fr/sites/default/files/2021-06/Pr%C3%A9sentation%20Pl%C3%A9ni%C3%A8re%20V2.pdf (consulté le 31/03/2022).

[18] « Retraite du salarié : cumul emploi-retraite de base », disponible sur https://www.service-public.fr/particuliers/vosdroits/F13243 (consulté le 29/03/2022).

[19] Article de Tout sur mes finances « Demi-part des veuves supprimée depuis 2014 », disponible sur https://www.toutsurmesfinances.com/impots/demi-part-fiscale-qui-a-droit-a-une-demi-part-supplementaire.html#Demi-part_des_veuves_supprimee_depuis_2014 (consulté le 29/03/2022).

[20] Article de La retraite en clair « Ce qu’il faut savoir sur la pension de réversion », disponible sur https://www.la-retraite-en-clair.fr/parcours-vie-retraite/pension-reversion-mariage-divorce-retraite/faut-savoir-pension-reversion (consulté le 29/03/2022).

[21] Etude de Le cercle des épargnants « Les Français, l’épargne et la retraite – Baromètre 2022 », disponible sur https://www.cercledesepargnants.com/barometre-de-lepargne/ (consulté le 30/03/2022).

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